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Ce territoire auquel on appartient

Sortie du livre Ce territoire auquel on appartieent. L'exemple de George Sand EDILIVRE octobre 2020

https://www.edilivre.com/ce-territoire-auquel-on-appartient-gerard-peylet.tml

quatrieme de couverture docx (13.25 Ko)

Article dans le Populaire du Centre du 7 novembre

Universitaire limougeaud, spécialiste de littérature, Gérard Peylet vient de publier un très bel ouvrage, Ce territoire auquel on appartient. Nous l'avons rencontré. 

C'est un livre petit par la taille, mais riche et dense par son contenu. Gérard Peylet, universitaire à la retraite, très attaché au Limousin et au Cantal, y parle du sentiment d'appartenance que l'on peut éprouver vis-à-vis d'une région, d'une terre, d'un paysage.

Comment cet ouvrage est-il né ?

D'un besoin. Il s'inscrit dans la continuité de mon précédent livre, L'intime en question aujourd'hui. Ressentir un lien profond avec un territoire, c'est l'intime. Ce qui compte, c'est le vécu, le ressenti.

Comment définiriez-vous votre attachement au Limousin ?

Il n'est pas si ancien que cela. Ce qui est sûr, c'est que je ne ressens pas d'attachement pour l'ex-Aquitaine, où j'ai longtemps travaillé. En fait, cet attachement dont je parle s'est d'abord exprimé pour le Cantal, quand je suis tombé amoureux d'un vieux presbytère en ruine, entre Riom-es-Montagnes et Mauriac. Je l'ai acheté et retapé, c'est devenu une résidence secondaire. J'ai alors compris à quel point il y avait des similitudes entre l'Auvergne et le Limousin. Et mon attachement au Limousin a pris forme à ce moment-là. J'ai redécouvert son charme, sa douceur. Limoges, par exemple, est une ville qui ne ressemble à aucune autre. Le Limousin est une région féminine. C'est formidable d'aimer à ce point deux lieux différents.

Vous citez Henri-Frédéric Amiel : « Tout paysage est un état de l’âme »… Et Cézanne, « La nature est à l’intérieur ». Que veulent-ils dire ?

Il a fallu attendre Rousseau et les géographes voyageurs du XVIIIe siècle pour voir apparaître ce que l'on a appelé le pré-romantisme. C'est alors que le regard porté sur la nature a changé. Un bon exemple en peinture nous est fourni par le célèbre tableau de Caspar David Friedrich, Le voyageur contemplant une mer de nuages. Le paysage n'est plus seulement objet, mais devient sujet. Dès lors, il y a reconfiguration, recréation.

Le sentiment d'appartenance est-il consubstantiel à l'homme ?

Complètement. C'est ce que je dis dans le livre : « A l’heure de la mondialisation économique et culturelle, des hommes de plus en plus nombreux constatent que, pour exister, il faut avoir une histoire, et qu’il n’y a pas d’histoire sans lieu, sans hommes et sans identité. L’homme, en constant déplacement, en délocalisation forcée, ne trouve-t-il pas des valeurs essentielles à son équilibre, à travers un attachement au territoire ? Ce qui est vrai pour un individu est aussi vrai pour un groupe, une communauté. » 

Je ne suis pas passéiste, mais l'époque moderne comporte ses risques de dispersion, de dissolution. il y a tant de choses qui nous incitent à vivre hors de nous-même ! Or, il faut préserver cette part de l'intime. Etre citoyen du monde, c'est beau, mais si c'est pour tomber dans le panurgisme, la standardisation... Notre époque perd le sens de l'appartenance, or nous avons besoin d'une colonne vertébrale.

Dans votre ouvrage, vous vous appuyez sur George Sand. Pourquoi ?

Elle a écrit des pages magnifiques sur ce sentiment d'appartenance ! Elle parle de son Berry bien sûr, mais pas seulement. Elle évoque la Creuse, le Bourbonnais. Chez elle, à quelques exceptions près, le paysage est une source d'inspiration. Dans Nanon, son dernier roman, le Limousin et la ville de Limoges sont très présents. Chez Sand, on sent que cette intériorité est là. C'est l'œil du cœur dont je parlerai dans mon prochain ouvrage. 

Revenons au Cantal. Vous dites que c’est le sentiment d’appartenir qui a permis à certains de faire revivre la Vallée du Mars, en proie à la déprise démographique et économique ?

Absolument. Bien sûr, ce n'est pas forcément spectaculaire, mais il y a un mouvement, des jeunes s'y sont installés comme artisans ou commerçants alors qu'ils n'étaient pas forcément du coin. Ils ont eu un coup de cœur, mus par le sentiment d'appartenance. Une fois de plus, celui-ci n'est pas forcément lié au paysage de notre naissance.

Vous insistez dans le livre sur l’intuition. Pourquoi ?

J'y tiens. C'est essentiel, et j'ai essayé de le transmettre à mes enfants. Pascal et Bergson en ont magnifiquement parlé. L'intelligence est limitée, elle segmente, alors que l'intuition permet de poser un regard synthétique et profond sur le monde. Je suis rousseausite, pas voltairien ! Je sens avant de penser. Sans intuition, on ne peut pas aller bien loin. C'est le mouvement, la vie. 

Quels autres auteurs que Sand incarnent ce sentiment d'appartenance ?

Il y en a beaucoup. Mauriac, Giono, Marie-Hélène Lafon en Auvergne. On en a en Limousin : Joseph Rouffanche, Pierre Michon, Richard Millet, Pierre Bergounioux.