La remise du Prix ARAL récompense depuis 2017 un ouvrage qui a un lien profond avec le Limousin. Lorsqu’il s’agit de poésie, on ne va pas chercher évidemment les référents géographiques exacts. Le lien profond se situe dans le cas de ce recueil de poèmes que nous récompensons au niveau plus invisible de l’inspiration.
C’est la beauté de la nature limousine qui a suscité certainement les impressions poétiques. A traver un vocabulaire dépouillé et simple, les éléments terrestres (la pierre, l’eau, le ciel, le vent, la lune, l’oiseau, le fruit, la feuille) cotoient des éléments plus métaphysiques. Ces textes qui s’inspirent de la réalité limousine sont aussi des textes ouverts sur la beauté universelle de la nature. La poésie de Laurent Albarracin est une poésie de l’ouvert (pour reprendre une notion chère à Rilke) et de la renaisssance, une poésie qui s’ouvre à l’évanescence éternelle du monde. Le sujet de ces textes n’est pas biographique. Ce sujet lyrique est regard poétique sur le monde, sur la durée, le temps long. Le poète a choisi la forme brève, proche du haï ku, l’image qui condense. L’écriture devient ici une force spirituelle. Chaque image détachée s’offre dans une fulgurance qui transcende le temps vécu dans un espace poétique toujours neuf. Cette poésie est double, poésie de l’immanence, mais aussi poésie métaphysique. C’est ce qui a séduit le jury. Laurent Albarracin dans L’herbier lunatique a questionné le mystère du monde à travers ces instants où les choses les plus quotidiennes s’emparent de la présence de l’infini.
Placez une chaise
devant un paysage
et regardez la chaise :
elle attend
Conscient du caractère éphémère de la beauté mais de sa renaisssancce perpétuelle, le poète questionne ce mystère au coeur des choses qu’il pressent inacessible. La forme brève permet à ce poète de se détacher du langage discursif pour tendre peu à peu vers cette saisie de la perception poétique, lui permet ausssi de suggérer l’indicible. Dans cette quête d’écriture épurée, le moi ne pouvait que disparaître ou que s’abolir dans le générique comme dans le haïku dont Yves Bonnefoy a dit : « le haï-ku n’a pas d’ombres portées, les choses y étincellent ».
Tout l’opaque de la pierre
est le durcissement d’une clarté
tout le dur de la pierre
l’éclat de sa durée
C’est ainsi que nous avons lu ces poèmes, comme le point d’aboutissement d’une recherche de l’épure, de la concentration.