Découvez Marie-Hélène Lafon, Prix Renaudot 2020 pour Histoire de Fils et Grand Prix ARDUA 2021 pour l'ensemble de son oeuvre
Marie-Hélène Lafon est une des plus grandes romancières actuelles. Son œuvre s’est considérablement augmentée depuis 2012 : romans, nouvelles, entretiens, essais… : Les Pays et Album (2012), Traversée (2013), Joseph (2014), Chantiers et Histoires (2015), Nos vies Millet, pleins et déliés (2017), Flaubert (2018), Le Pays d’en haut (2019), Écrire serait l’épicentre du jour (2020), Histoire du fils (Prix Renaudot 2020). Si vous ne connaissez pas encore Marie Hélène Lafon, n’hésitez pas à découvrir cette oeuvre originale. Marie-Hélène Lafon, c’est d’abord une voix singulière, une écriture exigente et neuve.
Cette agrégée de lettres classiques observe de façon étonnante et profonde les mutations du monde rural depuis cinq décennies. Elle les confronte dans certains de ses textes aux modes de vie urbains qui tendent à se généraliser. Son écriture porte la marque intacte de son appartenir à ce monde qu’elle a quitté, le Haut Cantal, pour vivre à Paris, y enseigner la littérature classique, et y écrire.
Marie-Hélène Lafon non seulement n’efface pas ses origines, ce qui est fréquent chez des auteurs qui ont suivi son parcours, mais au contraire, montre, avec authenticité, que ses origines rurales constituent une source toujours vivante, renaissante, un véritable vivier, quelque chose de fondateur pour toute son oeuvre, quelles que soient les formes choisies. Le pays, c’est la source naturelle de l’écriture, du rythme. Il y a là un lien très fort, consubstantiel.
Pour entrer dans l’oeuvre de l’auteure, vous pouvez commencer par lire JOSEPH. Après la lecture de Joseph, vous pourrez lire le roman qui a reçu le Prix Renaudot 2020 HISTOIRE DU FILS.
Ce dernier livre est bien plus que le récit d’un secret de famille sur un siècle.
C’est un magnifique roman à la structure complexe qui demande au lecteur un effort pour recomposer les éléments du récit, même si l’auteur aide le lecteur à recomposer ces fragments vers le milieu du livre. Si Joseph est le récit poignant et linéaire d’une vie “minuscule”, Histoire du fils ne tourne pas autour d’un personnage clé qui pourrait être André par exemple. C’est l’histoire d’une filiation.
Dans le dernier tiers du roman, et à partir du chapitre central qui raconte la mort de Gabrielle, la mère (le personnage le plus mystérieux du livre), l’émotion monte en puissance. Emotion maîtrisée, contrôlée, sans que le style si juste de Marie-Hélène Lafon n’en rajoute. Cela semble venir tout seul, naturellement. Le miracle d’une telle “illusion de naturel” vient d’une justesse émotionnelle parfaite, sans fioriture. Cette illusion si exceptionnelle de naturel n’est pas un jeu littéraire, même très brillant. C’est bien dans cette émotion suggérée et transmise, que demeure sans doute la vérité de l’artiste.
L’émotion monte dans Histoire du fils jusqu’au moment final, au cimetière de Chanterelle, haut lieu dans tous les sens du terme, lieu mythique pour cette famille du Cantal, où le dernier de cette lignée, le fils d’André, qui n’aura jamais osé connaître son père Arnaud, donc le petit-fils, qui vit à l’autre bout du monde, comprend qu’avec lui, le fil n’est pas perdu, interrompu :
“Antoine parlera à son père, et à sa mère; même à l’autre bout du monde, histoire de ne pas perdre le fil, parfois il parle à ses morts, à sa mère surtout. Il consfirmera à son père ce qu’il savait déjà, que Chanterelle est un fort royaume perché, où les arbres sont drus et la vue longue; il pourra aussi lui dire que, désormais, à Chanterelle, on sait qu’André Léotoy, fils de Paul Lachalme et de Gabrielle Léoty, fut au monde, et que l’on se souviendra de lui”.